Une distribution non étoilée pour ma deuxième Belle au Bois Dormant, mais pleine des promesses révélées lors d’une répétition publique il y a quelques semaines. Laura Hecquet et Audric Bezard ont réussi leur prise de rôle devant un public de matinée, très enthousiaste et prompt à les encourager.
Ils ont offert une proposition différente de celle du couple Pagliero – Hoffalt avec une progression dramatique plus marquée de leurs personnages au cours du ballet. Dans l’acte I, Laura Hecquet est une Aurore plus timide que celle interprétée par Ludmila Pagliero. On la sent un peu tendue jusqu’à la fin de l’Adage à la Rose, où elle rattrape bien une perte d’équilibre. Cette difficulté passée, elle livre une très belle fin d’acte, avec un jeu très juste dans la confrontation avec Carabosse.
Le 2ème acte a atteint une certaine perfection esthétique. On découvre enfin Désiré au bout d’1h30 : Audric Bezard nous apparaît de prime abord comme un aristocrate séducteur qu’on ne serait pas étonné de retrouver dans Le Parc donné à l’Opéra Garnier. On l’imagine blasé et revenu de tous les plaisirs lors de la partie de chasse, puis cherchant un sens à sa vie dans la variation lente. Durant ces 7 minutes de grand art, on admire ses lignes superbes, des arabesques parfaites, des tours à la seconde maîtrisés, et des réceptions nettes sur ses tours en l’air, le tout avec une grande musicalité. Laura Hecquet est au diapason dans la vision, et semble désormais totalement détendue au contact de son prince, très protecteur.
Les deux danseurs sont portés durant le 3ème acte par le public, et, pour leur premier grand ballet en 3 actes dans les rôles principaux, ils ont remarquablement géré leur effort, donnant le meilleur d’eux même dans le Pas de Deux du Mariage avec des portés poissons de toute beauté, une belle ampleur lors du manège de la variation de Désiré pour lui et une élégante assurance pour elle.
Une deuxième vision permet également de se familiariser avec tous les rôles «secondaires » du ballet, et d’apprécier, qui sait, les futurs solistes et étoiles de la compagnie.
Cela a fort bien commencé avec les fées enchanteresses : elles étaient emmenées par Héloïse Bourdon majestueuse. Quel plaisir d’admirer la douce Amandine Albisson en fée « blanche », la piquante Charline Giezendanner en fée Canari ou la virtuosité de Sae Eun Park, autoritaire fée « rouge » qui a fait forte impression.
Parmi les 4 princes, Yannick Bittencourt et Fabien Révillion réussisent à retenir l’attention dans les rôles ingrats de faire-valoir d’Aurore.
Dans le 3ème acte, les divertissements sont dominés par Charline Giezendanner, délicieuse Princesse Florine, accompagnée de Marc Moreau, Oiseau Bleu à la danse délicate et précise (avec un très beau travail de bras et des réceptions piles).
La Belle au Bois Dormant reste bien pour le spectateur un rêve éveillé, incarné par une troupe qui semble avoir gagné en cohésion et retrouvé une joie de danser ce répertoire, qui n’était pas toujours patente sur ce type de production les années passées.