Le L.A. Dance Project, la compagnie de Benjamin Millepied, n’aura bientôt plus d’angelino que le nom. Entre une résidence de 3 ans au sein de la Fondation LUMA à Arles et de nombreuses dates en France, il semblerait bien l’ex-directeur de l’Opéra de Paris veuille installer son projet comme un incontournable du paysage chorégraphique français, à l’instar du Ballet Prejlocaj ou du Malandain Ballet à Biarritz.
C’est au Théâtre des Champs Elysées que la petite troupe entamait sa saison française avec un programme contemporain américain alléchant pour l’amateur de danse néo-classique avec Quintett, une pièce rare de William Forsythe, 2 courtes pièces que l’on découvre en Europe, l’une de Martha Graham, la pionnière de la danse moderne, l’autre de Justin Peck, le petit prodige de la chorégraphie, résident du New York City Ballet et enfin la création française de la dernière pièce de Benjamin Millepied.
Quintett apparaît d’emblée comme une œuvre singulière de William Forsythe. Sur « Jesus’ Blood Never Failed Me Yet », mélopée lancinante et répétitive d’un sans-abri arrangée par Gavin Briars, cinq danseurs (d’où le titre de la pièce), trois hommes et deux femmes, évoluent avec une grande liberté sur une scène dépouillée avec pour seuls éléments de décor, deux écrans blancs délimitant l’angle côté cour, un projecteur et un réflecteur de lumière. Ils semblent prendre la pause dans un studio : ils ébauchent des éléments du vocabulaire classique, un pas de deux à la précision acérée où se glissent de façon inattendue des éléments triviaux qui donnent un air de récréation, de respiration à cette chorégraphie. Paradoxe de cette pièce lumineuse, elle a été créée en 1993 par William Forsythe alors que sa jeune femme était en train de mourir.
Avec Duets, transcription pour la scène de trois brefs pas de deux chorégraphiés par Martha Graham pour le documentaire A Dancer’s World (1957), on est hypnotisé par l’originalité et la beauté des postures des couples de danseurs dont les corps entremêlés nous apparaissent comme des sculptures.
Sur Helix, composition de 9 minutes tout en accélération du Finlandais Esa-Pekka Salonen, Justin Peck imagine une chorégraphie dont l’inspiration semble venir tout droit d’une scène d’action dans un film de science-fiction ou d’une chorégraphie de Youri Grigorovitch, très physique avec pour les femmes des éléments habituellement dévolus aux hommes.
Dernière pièce du programme, On The Other Side, qui a été présentée au Sadler’s Wells Theatre de Londres en juin dernier, s’inscrit dans la série de chorégraphies de Benjamin Millepied sponsorisées par la maison de joaillerie Van Cleef & Arpels avec comme référence revendiquée les Joyaux de Balanchine. Le sempiternel Philip Glass en guise d’accompagnement musical, les robes chemisiers légères et les pyjamas colorés d’Alessandro Sartori comme costumes et les lumières de Lucy Carter, On The Other Side est finalement du Benjamin Millepied « classique », cousu main sur ses huit danseurs qui sont individuellement ou en duo très bien mis en valeur et qui forcent l’admiration par leur capacité à enchaîner quatre pièces plutôt exigeantes sur le plan athlétique. On comprend mieux l’engouement du petit groupe d’élus qui a travaillé avec Benjamin Millepied sur ses créations à l’Opéra de Paris. Il semble en phase avec les préoccupations générationnelles de ses interprètes mais son inspiration ne se renouvelle pas vraiment et les quarante minutes s’écoulent sans véritable ennui mais sans passion également.
Mots Clés : Benjamin Millepied,Justin Peck,L.A. Dance Project,Martha Graham,Philip Glass,William Forsythe