Curieuse répétition à l’Amphithéâtre Bastille ce samedi 6 février, seulement 2 jours après le séisme de l’annonce du retrait de Benjamin Millepied à la fin de saison et de l’arrivée d’Aurélie Dupont en tant que Directrice de la Danse. Soif de potins ou attrait du mot magique Casse-Noisette, le public était en tout cas venu particulièrement nombreux : les néophytes ont sans doute été cueillis à froid par ce qu’ils ont vu et il y a eu pas mal de départs en cours de séance. C’est vrai qu’il y manquait un peu un emballage et une approche pédagogique : seulement le chorégraphe Arthur Pita, son assistante, un chef de chant et deux danseurs Marion Barbeau et Marc Moreau pour présenter le nouveau Casse-Noisette qui va entrer au répertoire de la compagnie, le tout dans une atmosphère d’improvisation quasi-totale qui sent l’entre-deux règnes. Aucun cadre de la compagnie ou maître de ballet à l’horizon, un peu comme si personne dans la maison ne cautionnait réellement ce projet.

Marion Barbeau avec Arthur Pita et Marc Moreau

Marion Barbeau avec Arthur Pita et Marc Moreau

Ce devait être la première étape dans le plan de communication autour d’une des soirées évènements de l’année, la programmation de deux œuvres de Tchaïkovski, un opéra Iolanta et un ballet Casse-Noisette, dans une volonté de faire revivre la soirée de leur création en 1892 à Saint-Pétersbourg et de réunir tous les talents de l’Opéra dans une production de prestige, l’une des volontés affichée par Stéphane Lissner et Benjamin Millepied au début de leur mandat.

Le projet a été confié dans sa globalité à un metteur en scène star de la scène lyrique, le russe Dmitri Tcherniakov, aux partis pris souvent radicaux et clivants. Il devait initialement coordonner le travail des 5 chorégraphes commissionnés pour Casse-Noisette : Sidi Larbi Cherkaoui, Edouard Lock, Arthur Pita, Liam Scarlett et Benjamin Millepied. Depuis, Liam Scarlett et surtout Benjamin Millepied ont disparu du projet. On imagine que cette répétition publique était destinée à présenter le « work in progress » sur la partie chorégraphiée par le Directeur de la Danse. C’est finalement  le portugais Arthur Pita, un des chorégraphes tendance du moment que s’arrachent les stars du ballet qui veulent s’aventurer dans des territoires moins classiques, qui lève un coin du voile de mystère qui entoure cette production.

En l’occurrence, à condition de comprendre l’anglais (ceux qui pestent contre l’anglicisation de la communication de l’Opéra vont pouvoir râler), c’est plus le discours d’Arthur Pita que la répétition en elle-même qui aura été riche en informations.

Le synopsis imaginé par Dmitri Tcherniakov établit un lien entre l’opéra et la danse  La bonne nouvelle potentielle, c’est qu’il y aura bien une trame narrative avec une action transposée quelque part en Europe dans les années 50. Drosselmeyer a offert à sa nièce Marie une représentation de l’opéra Iolanta pour ses 16 ans. Elle tombe sous le charme du chanteur qui incarne Vaudémont, le héros dont l’amour rend la vue à Iolanta, la princesse aveugle. Pendant la fête d’anniversaire, Marie et Vaudémont flirtent et se rapprochent, au grand déplaisir des parents de Marie. C’est ce premier segment du ballet que chorégraphie Arthur Pita. Marion Barbeau est l’héroïne de la première distribution, aux côtés a priori de Stéphane Bullion, mais c’est Marc Moreau qui était Vaudémont cet après-midi (sans qu’il soit bien clair si c’était pour servir de modèle au chorégraphe ou en tant que titulaire).

Marion Barbeau et Marc Moreau

Marion Barbeau et Marc Moreau

Lors de la répétition, Arthur Pita va leur faire travailler une séquence de transition entre sa partie et celle des deux autres chorégraphes, qui correspond au Départ des Invités dans l’œuvre originale, où Marie, toute à ses souvenirs heureux de sa soirée d’anniversaire, se retrouve face à Vaudémont qui a oublié sa veste dans le salon, une séquence qui se conclut par le premier baiser de Marie. A partir de là, le ballet va prendre un tour beaucoup plus tragique, puisque Vaudémont va être assassiné par la famille de Marie.

Arthur Pita a un talent de conteur indéniable, et il arrive grâce à sa description à nous faire imaginer l’ambiance qu’il veut insuffler à sa pièce. On se projette par contre beaucoup moins dans la chorégraphie, car le processus créatif en est vraiment à son tout début : nous avons assisté à la construction de la scène avec le positionnement des danseurs dans l’espace, puis au marquage avec le piano et enfin avec l’orchestre. On se croirait presque sur le tournage d’un film muet. Arthur Pita souligne non sans humour que cette transition entre sa partie et celle chorégraphiée par Edouard Lock peut très bien complètement disparaître du spectacle, puisque c’est Dmitri Tcherniakov qui a le « final cut ». Il finit la répétition en donnant un aperçu des danses de la fête d’anniversaire, des danses d’inspiration très 50’s.

Si l’ensemble conserve cet esprit « mélo psychanalytique », on peut s’attendre à une soirée intéressante qui fera la part belle aux qualités dramatiques des danseurs.

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