Avec l’automne qui pointe le bout de son nez, le balletomane commençait sérieusement à se languir de sa dose régulière d’entrechats, pas de deux et autres variations. C’est chose réparée avec la première répétition publique de la saison parisienne. Si dehors la grisaille et la pluie battante étaient de mise, dans l’amphithéâtre Bastille, la chaleur était étouffante. Pour présenter le premier ballet de la saison, Thème et Variations de George Balanchine, on retrouvait Benjamin Millepied en personne, le maître de ballet du Balanchine Trust, Sandra Jennings et les deux premiers danseurs Valentine Colasante et François Alu, le chouchou du public. Comme on en a à présent l’habitude, les répétitions dirigées par le “patron” sont intenses physiquement, dépassent l’heure impartie et explorent les arcanes du pas de deux avec un directeur de la danse qui n’hésite pas à mouiller la chemise (au propre et au figuré) pour montrer l’exemple.

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Peu de place pour de longs discours. Benjamin Millepied va droit au but pour présenter avec Sandra Jennings cette pièce de Balanchine créée en 1947 pour l’American Ballet puis revue pour le New York City Ballet en 1960. Il en parle d’autant mieux que c’est un ballet qu’il a dansé, techniquement très difficile, exigeant virtuosité, rapidité et musicalité de la part de ses interprètes. Benjamin Millepied voit dans cet oeuvre un manifeste du classicisme dans toute sa gloire, un hommage à la Russie impériale et à Marius Petipa : en l’inscrivant en tête de sa première programmation, il entend montrer son ambition en terme de danse classique pour le ballet de l’Opéra. Sur la partition du dernier mouvement de la 3ème suite pour orchestre de Tchaikovski, Balanchine ouvre son oeuvre sur une sorte d’abécédaire de la danse classique avec des pas très simples qui va ensuite se développer en harmonie avec la musique en un grand pas de deux pour clôturer sur une polonaise typiquement russe, le tout pimenté d’une approche jazzy, des subtilités que Benjamin Millepied illustrera tout au long de la séance.

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Valentine Colasante et François Alu sont régulièrement associés depuis 2 saisons et l’on sent la complicité technique qu’ils ont construite au fil du temps. Par ailleurs, c’est un duo plutôt bien assorti physiquement avec une danse athlétique et très rapide. Ils ont déjà travaillé la chorégraphie qu’ils semblent bien maîtriser et la séance va surtout porter sur l’affinage de leur partenariat, avec un focus particulier sur le rôle de François Alu, l’occasion pour Benjamin Millepied de corriger le danseur sur son supposé point faible.

Le directeur de la danse a un enthousiasme communicatif et avec son charisme et son énergie débordante, il éclipse quelque peu ses deux danseurs ainsi que Sandra Jennings très vite reléguée au rang de spectatrice de la répétition. Il insiste sur une précision absolue des mouvements: pas d’approximation, il faudrait qu’à chaque pas on puisse prendre une photo. La présentation des jambes doit être impeccable, associée à un lyrisme du haut du corps très russe.

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Il corrige le positionnement des mains de François Alu sur la ballerine: “la ballerine, c’est comme une tasse de porcelaine, on la manipule avec délicatesse”. Il l’encourage sur les portés à moins s’appuyer sur la force des avant-bras et à utiliser son corps et le poids des hanches pour un rendu plus esthétique, autant de petits détails à peaufiner pour créer ces instants inopinés de magie propres au style de Balanchine.

La musicalité est un des autres leitmotiv dans les corrections apportées par Benjamin Millepied. Après une exécution scolaire du début du pas de deux, il demande à la chef de chant de rejouer le passage au piano de la façon la plus plate possible pour que les danseurs comprennent l’importance de l’intention et de la musicalité pour maintenir le spectateur en haleine et pour éprouver plus de plaisir dans leur danse.

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Cela reste en effet le défi le plus compliqué à relever dans ce style de ballet abstrait : comment faire naître l’émotion du spectateur par la seule alliance de la musique et de la perfection technique de la danse? On est impatient de découvrir nos deux solistes virtuoses à l’oeuvre sur scène dès le 26 septembre.

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