Neuf mois après sa diffusion sur Canal +, le documentaire Relève est sorti en salles ce 7 septembre.
Relève, c’est l’histoire de la genèse de Clear, Loud, Bright, Forward, le ballet de 30 minutes chorégraphié par Benjamin Millepied pour l’ouverture de sa première saison en tant que Directeur de la Danse du Ballet de l’Opéra de Paris. Accessoirement, c’est aussi l’histoire d’un changement d’ère dans une institution marquée par les 20 ans de direction de Brigitte Lefèvre, et rétrospectivement, c’est devenu l’autopsie de la courte direction de Benjamin Millepied qui a annoncé son départ début février.
L’esthétique du documentaire répond au cahier des charges de Canal + et cherche à séduire sa cible supposée, le jeune cadre urbain pressé dont le modèle revendiqué pourrait être justement Benjamin Millepied. Thierry Demaizière (connu pour ces interviews vérité de personnalités dans le magazine 7 à 8) et Alban Teurlei auraient pu intituler leur documentaire : «En immersion avec Benjamin Millepied ». Il est le personnage central du film : ce parti pris peut lasser par moment notamment dans les séquences introspectives qui paraissent fabriquées : Benjamin réfléchit, Benjamin chorégraphie, Benjamin s’évade des contraintes administratives barbantes, le tout illustré avec des images qui feraient un support idéal de publicité pour la marque à la pomme. Heureusement, le chorégraphe laisse tomber le masque en répétition, révélant la passion de la danse qui l’anime.
Les danseurs sont finalement peu mis en avant en tant qu’individualités mais plus comme les instruments de la création de Benjamin Millepied. On saura gré aux réalisateurs de ne pas s’être focalisés sur Léonore Baulac. Chez les filles, Marion Barbeau, Laetizia Galloni (pour le petit couplet sur la diversité) et Eléonore Guérineau ont le droit à un supplément d’exposition, tandis que chez les garçons, on repère Axel Ibot, Yannick Bittencourt et Marc Moreau.
Petit gimmick bienvenu qui fait sourire : les interventions de Virginia Gris de la régie de la danse qui veille sur l’agenda de l’homme pressé et le traque dans les méandres de Garnier.
Le travail du jeune directeur musical Maxime Pascal avec Nico Muhly constitue également une respiration appréciable et rafraîchissante dans cet ensemble souvent un peu trop lisse.
Pas d’étoiles à l’horizon, si ce n’est Benjamin Pech, présenté comme une pièce incontournable dans le dispositif Millepied et dont on pourra regretter qu’il n’ait pas été choisi pour lui succéder.
On comprend également que Benjamin Millepied ne fait pas forcément l’unanimité parmi les danseurs : certains anciens voient d’un mauvais œil les changements, c’est lui-même qui le dit ainsi qu’Axel Ibot au cours de l’une des rares interventions de danseur. Très américain dans son approche du management, le jeune directeur trouve l’inspiration dans un vademecum sur le lean management qui explique comment devenir un leader visionnaire. Dimitri Chamblas, ami des années d’apprentissage à qui il a confié la 3ème scène, explique que, si Benjamin Millepied s’ennuie dans son nouveau costume, il ne restera pas. L’impression que l’on retient en le voyant, bouillonnant d’idées et d’enthousiasme face aux tracasseries administratives et sociales de l’Opéra est effectivement que son mandat ne s’envisageait pas sur le long terme. C’est lorsqu’il est en studio ou lorsqu’une larme pointe sur ses paupières en regardant danser Léonore Baulac et Hugo Marchand qu’on le sent le plus dans son élément.
Pour les nostalgiques, rendez-vous au Théâtre des Champs Elysées du 15 au 18 septembre pour voir la compagnie de Benjamin Millepied, le L.A. Dance Project, dans un programme alléchant réunissant William Forsythe, Martha Graham, Justin Peck et une création de Millepied, un programme qu’il aurait tout à fait pu intégrer dans une saison de l’Opéra.
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