Aurélie Dupont s’inspire visiblement beaucoup de ce qui se passe au Nederlands Dans Theater (NDT) pour le volet contemporain de sa programmation. Ohad Naharin, Crystal Pite, Alexander Ekman, Marco Goecke, pour ne citer que quelques chorégraphes ayant créé ou apporté des pièces récemment pour notre ballet national, collaborent ainsi régulièrement avec la compagnie basée à la Haye. Fort de ses 60 années d’existence et sous l’impulsion de ses directeurs artistiques successifs, dont Hans Van Manen, Jirí Kylián et maintenant le couple Paul Lightfoot et Sol León, le NDT donne le la sur la scène de la danse contemporaine internationale et initie les tendances que le Ballet de l’Opéra de Paris, en panne de projet artistique, s’empresse de suivre.

Trois Gnossiennes

Après un programme d’hiver à Garnier à la manière du NDT (Cherkaoui / Goecke /Lidberg), le programme du printemps est quant à lui 100%NDT avec l’entrée au répertoire de deux pièces du duo León / Lightfoot encadrant le pas de deux sur les 3 Gnossiennes d’Erik Satie chorégraphié par Hans Van Manen. Autant le dire tout de suite, ces 3 Gnossiennes sont les 8 minutes à ne pas manquer dans cette soirée très chiche de 53 minutes top chrono. Ludmila Pagliero et Hugo Marchand subliment avec leur charisme d’étoiles ce superbe pas de deux néo-classique, calibré pour une soirée de gala.

Sleight of Hand

Sleight of Hand (tour de passe-passe en français) initie honorablement la soirée. Philip Glass est le compositeur préféré des chorégraphes d’aujourd’hui, sa Symphonie n°2 nous semble familière, probablement parce que nous l’avons entendu sur d’autres chorégraphies néo-classiques ou contemporaines ou comme fond sonore d’une bande-annonce de film. La scénographie intrigue : elle  évoque presque Fritz Lang et Murnau, avec ses jeux d’ombres et de lumières et les 2 silhouettes spectrales d’Hannah O’Neill et Stéphane Bullion arrimés chacun à une structure géante en fond de scène d’où ils semblent guider un couple amoureux (Léonore Baulac et Germain Louvet) et un jeune homme à l’aura magnétique (Mickaël Lafon), tandis que 3 hommes tout de noir vêtu (Chun Wing Lam, Pablo Legasa, Adrien Couvez) vont et viennent entre la scène et la fosse d’orchestre. C’est très beau à regarder, peut-être trop justement, et la personnalité des danseurs s’efface derrière l’esthétisme. La troupe du NDT donne vie plus intensément aux chorégraphies de León Lightfoot. Seules les personnalités de Mickaël Lafon, et, dans une moindre mesure, de Pablo Legasa, émergent vraiment ici.

Speak for Yourself

Speak for Yourself souffre des mêmes défauts que Sleight of Hand, sans en avoir toutes les qualités. N’est pas Jerome Robbins qui veut, et chorégraphier sur Bach (associé ici à Steve Reich) est un défi pas facile à relever, et qui tourne ici au pensum : la pièce semble très longue. On s’intéresse moins à la danse qu’à la scénographie très impressionnante avec un jeu sur le feu et l’eau. Le rideau de pluie qui s’abat sur le plateau dans la deuxième partie est ainsi une vraie prouesse technique. Malheureusement, ce dispositif ne semble pas au service d’un propos et écrase les danseurs. Je  ne vois d’ailleurs pas ce que les danseurs de l’Opéra apportent de plus à cette pièce qu’une autre troupe. Il y a  François Alu qui fait le show au début en homme vaporetto, mais sinon on peine à différencier les autres interprètes et pourtant il y a du beau monde (Ludmila Pagliero, Hugo Marchand, Valentine Colasante, Daniel Stokes, Silvia Saint Martin, Simon Le Borgne, Pablo Legasa, Andrea Sarri).

Voici une soirée qui semblait plutôt cohérente sur le papier et que j’aurai sans doute appréciée au Théâtre de Chaillot, mais c’est un peu comme si le Ballet de l’Opéra de Paris avait enfilé un vêtement qui ne lui allait pas. On s’interroge également sur une saison parisienne où, dès le mois d’avril (hors tournées à l’étranger), une toute petite partie de la troupe est utilisée (16 danseurs pour cette soirée) et un peu toujours les mêmes, ceux qui plaisent aux créateurs contemporains.

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