Seul ballet classique donné à l’Opéra Garnier pour la saison 2016-2017, la Sylphide dans sa version remontée par Pierre Lacotte vient un peu tard pour ressusciter l’intérêt d’une saison de transition entre les directions de Benjamin Millepied et d’Aurélie Dupont. Néanmoins, la troupe ayant repris le ballet lors de la tournée au Japon en début d’année, cela devrait être bien réglé dès les premières représentations à partir du 1er juillet.

5 couples alterneront sur cette série estivale avec pour la première, Amandine Albisson, qui a vu sa carrière décoller avec le rôle-titre, et Hugo Marchand nommé étoile au pays du Soleil Levant avec le rôle de James, le hobereau écossais envoûté par la mystérieuse créature. Les deux distributions qui me séduisent le plus sur le papier : Myriam Ould – Braham et Mathias Heymann et peut-être surtout Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt. L’étoile argentine, qui a connu quelques pépins physiques ces dernières années, danse merveilleusement les grands rôles du ballet romantique, et Josua Hoffalt, sous-exploité cette saison, trouvera dans ce rôle qui exige des qualités d’acteur et une extrême vivacité technique de quoi briller. Le couple principal est par ailleurs associé à Valentine Colasante, dont la personnalité terrienne et dynamique devrait être dans son élément avec le rôle d’Effie, la fiancée éconduite.

Hannah O’Neill découvrira le rôle de la Sylphide aux côtés de Vincent Chaillet (au lieu d’Arthus Raveau, grand styliste « lacottien », malheureusement retiré des distributions) pour une unique représentation en fin de série.

Enfin, Léonore Baulac et Germain Louvet feront leurs prises de rôles le 9 juillet, avec une deuxième date le 14 juillet.

En répétition avec Léonore Baulac et Germain Louvet

Nous avons eu un aperçu de leur collaboration à l’occasion de la répétition publique du 10 juin à l’Amphithéâtre Bastille, répétition dirigée par Pierre Lacotte et le maître de ballet, Clotilde Vayer.

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Plus qu’une répétition, il s’agissait plutôt d’un moment de transmission de Pierre Lacotte au public et aux jeunes étoiles. Le maître évoque la Sylphide, ballet historique, point de départ de toute la danse classique. Jusqu’à la Sylphide, la danse n’était qu’un merveilleux divertissement : avec ce ballet, on parle à l’âme des spectateurs, on les émeut, on les fait s’évader dans un univers merveilleux.

Pierre Lacotte souligne le plaisir et l’émotion qu’il ressent à son âge à transmettre ce ballet fondateur à des jeunes danseurs qui abordent les rôles pour la première fois. Il rappelle son histoire personnelle avec les deux danseurs du jour qu’il a connus tout jeunes : Léonore Baulac a participé à la création de Célébration, pièce virtuose chorégraphiée par Pierre Lacotte pour le Tricentenaire de l’Ecole de Danse et il a repéré Germain Louvet à l’Ecole de Danse où il lui a fait travailler Coppélia.

La répétition se concentre sur le deuxième acte. Avec les mots de Pierre Lacotte, confortablement installé, tel un conteur, dans un fauteuil club posé dans un coin de la scène, cela donne : « La Sylphide arrive en glissant sur un rocher et présente à James la forêt, l’endroit où elle vit avec ses compagnes. La Sylphide est un être immatériel, elle est à la fois un songe et une réalité pour ceux qui y croient, et James, le jeune paysan écossais, est tombé amoureux de cette Sylphide, dont il rêve toutes les nuits et il va en arriver à oublier sa fiancée pour suivre la Sylphide qui vole et qu’il ne peut jamais atteindre. Il arrive dans la forêt avec elle, il est émerveillé de voir toutes ces sylphides qui volent, sont perchées dans les arbres. Il danse avec elle, il essaie de l’attraper et n’y parvient pas totalement. A la fin du ballet, la sorcière, qu’il a chassé au premier acte de la ferme où il habite, car il n’a pas supporté qu’elle lui prédise qu’il n’épouserait pas sa fiancée, survient tout à coup dans la forêt. Il lui demande de l’aide dans sa quête, mais elle ne veut rien entendre, mais il insiste tellement qu’elle lui donne un foulard pour séduire la Sylphide. Quand il sera près d’elle, il doit l’enlacer avec le foulard et serrer jusqu’à ce que les ailes tombent : ce qu’il ignore, c’est qu’en perdant ses ailes, la Sylphide est condamnée à mourir. La sorcière savoure sa vengeance : la fiancée de James se marie avec un autre, et les Sylphides enlèvent leur compagne défunte dans le voile, laissant James complètement désespéré. »

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Les deux danseurs déroulent chacun des passages retenus pour la séance du jour sans interruption. La bienveillance semble être le maître mot, bien loin des répétitions survoltées dirigées par Benjamin Millepied et Laurent Hilaire. On imagine qu’en studio, les corrections sont un peu plus poussées. Ici, elles portent pour l’essentiel sur les intentions de jeu et le positionnement des deux danseurs vis-à-vis de l’autre. Léonore Baulac et Germain Louvet développent une belle complicité dans leur partenariat, de par leur association fréquente et leur travail en commun sur leurs premières grandes prises de rôle. Spontanément je n’associerais pas le tempérament de Léonore Baulac et ses qualités de danseuse à la Sylphide et Germain Louvet manque encore d’une personnalité marquée: ce filage technique ne permet pas forcément de se faire une idée du rendu émotionnel une fois sur scène, mais c’est un point sur lequel on peut généralement faire confiance à Léonore Baulac.

La séance est également l’occasion d’échanges et de considérations plus générales entre Pierre Lacotte et Clotilde Vayer sur la mémoire musicale du danseur (lorsqu’un danseur a travaillé une fois une partition, il ne peut plus jamais l’entendre sans visualiser les pas) ou encore la récompense de l’effort (oui, les ballets classiques sont difficiles mais la récompense du danseur, c’est de transcender cette difficulté pour atteindre la beauté, une beauté derrière laquelle le spectateur ne doit pas percevoir l’effort). Intéressant aussi le partage de Pierre Lacotte sur les solistes face au jugement de leurs collègues du corps de ballet lorsqu’ils abordent un rôle et la façon dont l’ambiance du plateau influe sur leur performance.

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