Qui a dit que Casse-Noisette était un spectacle indigeste passé le 31 décembre ? Le Ballet de l’Opéra National de Kiev jouait les prolongations au Théâtre des Champs Elysées en cette première semaine de l’année avec une production ultra-classique du célèbre ballet de Marius Petipa adapté par une des grandes étoiles de la danse ukrainienne, Valery Kotvun.

Bien loin de la débauche de moyens destinée à en donner pour leur argent aux spectateurs ou de la tentation de transposer/moderniser voire même de modifier complètement l’intrigue du conte d’Alexandre Dumas (emprunté à E.T.A Hoffmann), qui caractérisent bon nombre de productions de Casse-Noisette, le spectacle proposé par la troupe ukrainienne est finalement d’une modestie et d’une simplicité presque désarmantes. Quelques décors (un profil de ville sous la neige, le sapin avec l’horloge à automates, un rideau en voilage pour figurer la forêt enneigée), une bande-son enregistrée suffisent pour que la magie opère pour les petits comme pour les grands, grâce à des danseurs particulièrement expressifs, maîtres dans l’art de véhiculer un imaginaire et une histoire à travers la pantomime. S’il fallait émettre un petit bémol, ce serait peut-être du côté des costumes qui font un peu « cheap », avec des étoffes au rendu visuel trop neuf et des couleurs et détails pas toujours heureux (je pense notamment aux tutus des ballerines dans la valse des flocons ou aux costumes de la valse des fleurs).

Heureusement, les danseurs parviennent à nous faire oublier ces petits détails. Ce qui frappe le plus, c’est le parfait naturel avec lequel ils incarnent leur personnage, sans second degré, sans distanciation. Ils sont dans l’histoire et ils emmènent le spectateur avec eux. Danser Petipa semble inné pour eux. La Clara de Yuliia Moskalenko ne cède pas à un excès de minauderies pour nous faire croire qu’elle est adolescente. Elle ne fait qu’un avec son Prince Stanislav Olshanskyi, peut-être un peu moins précis techniquement mais partenaire extrêmement attentionné. Avec le Drosselmeyer mystérieux de Iaroslav Tkachuk (qui officiait aussi en poupée folklorique russe dans les divertissements du dernier tableau), ils auront comblé les amateurs de danse classique masculine à la russe, avec une préférence pour le spectaculaire des sauts et des pirouettes au détriment d’un certain raffinement stylistique prôné par l’école française. Les divertissements nationaux du dernier tableau, qui, habituellement, m’ennuient un peu, sur le plan chorégraphique, se sont avérés véritablement divertissants. On aurait presque voulu que le rêve de Clara ou l’enchantement jeté par Drosselmeyer se prolonge un peu plus.

Après le Ballet National de Cuba en 2017, Val Prod a décidément le chic pour nous offrir de belles productions classiques, une proposition particulièrement réjouissante pour compenser les lacunes de la programmation à l’Opéra de Paris.

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