Beaucoup d’affluence à l’amphithéâtre Bastille pour la première répétition de l’année, consacrée non pas aux Variations Goldberg de Bach chorégraphiées par Robbins mais à l’invité surprise du programme Bel – Robbins à venir en février, Benjamin Millepied en personne qui a créé une pièce pour 3 couples de danseurs sur l’Appassionata de Beethoven en un peu moins d’un mois.

Benjamin Millepied et ses danseurs

Benjamin Millepied et ses danseurs

Il y a Benjamin Millepied, le personnage médiatique qui peut en agacer certains, et il y a le maître de ballet qui dirige les danseurs, toujours passionnant et passionné par son art, comme ce samedi après-midi. La séance a ainsi été particulièrement riche avec une introduction sur son processus créatif sur cette pièce, une répétition qui nous a donné une vue d’ensemble de la chorégraphie et enfin 10 minutes de rab par rapport à l’heure prévue pour des questions-réponses avec le public.

Il était accompagné d’Elena Bonnay, sa chef de chant attitrée depuis deux créations, ainsi que de Janie Taylor qui l’aide plus particulièrement sur les aspects liés à la danse féminine. C’est la première distribution que nous avons découvert lors de cette séance de travail : Amandine Albisson, Hervé Moreau, Sae Eun Park, Ida Viikinkoski, Marc Moreau et Jérémy-Loup Quer.

Millepied-23 janvier 2016-1

Benjamin Millepied confie qu’il a découvert l’Appassionata à l’âge de 16 ans et qu’il a en tête de chorégraphier ce monument de la sonate pour piano depuis un certain temps. Il portait déjà en lui des images très précises d’où la rapidité de la création. Le défi représenté par cette sonate, jamais utilisée pour un ballet,  et qui, selon ses termes, « sonne comme un orchestre symphonique », est pour le chorégraphe d’arriver à être la hauteur de l’intensité du 3ème et dernier mouvement. La structure « narrative » du ballet rappelle inévitablement Jerome Robbins, le mentor de Benjamin Millepied. Trois couples se retrouvent  à la fin dans la journée dans un grand salon qui sera figuré par un fond de scène opaque avec 3 grandes ouvertures et des chandeliers : ils se composent, se séparent et se recomposent. A la fin du 1er mouvement, la nuit tombe : les couples sortent. Dans le 2ème mouvement, un couple revient, c’est la nuit : ils se sont changés et portent des vêtements de nuit: c’est le grand pas de deux qui sera dansé par Amandine Albisson et Hervé Moreau. Au 3ème mouvement, on retrouve l’ensemble des danseurs, avec une énergie différente. Tout cela sonne très XIXème siècle, à voir si la scénographie restera dans cet esprit (ce qui ne serait pas pour me déplaire) ou ira vers quelque chose de plus moderne. Seul le 1er mouvement sera dansé sur pointes dans un esprit très classique et académique, un choix qui s’explique par l’évolution de la relation entre les personnages au fil de la partition et la volonté de ne pas se répéter entre le 1er et le 3ème mouvement. Benjamin Millepied en profite pour rappeler que la partition et l’expression musicale sont au coeur de sa vision du ballet classique et de ses choix de programmation.

Toute la répétition se fera sur demi-pointes, y compris les passages du 1er mouvement, pour ménager les danseurs car le sol de l’amphithéâtre n’est pas un plancher de danse et est particulièrement dur. Sur le 1er mouvement, on est frappé par la difficulté et le rythme soutenu de la chorégraphie. Le chorégraphe apporte un soin minutieux aux passages d’exposition et de transition, qui ont vite fait de faire retomber la tension d’une pièce. A côté des longilignes Amandine Albisson et Hervé Moreau dont les physiques s’accordent à merveille, il a choisi des danseurs caractérisés par une certaine puissance et vélocité dans leur danse, des qualités exploitées à fond dans le 3ème mouvement. Marc Moreau est comme un poisson dans l’eau dans l’univers de Benjamin Millepied. On est bluffé par la merveilleuse technique de Sae Eun Park, néanmoins pas mal corrigée par Benjamin Millepied qui, s’il souligne son extraordinaire musicalité, l’incite à sortir d’elle-même et à plus de « folie » dans sa danse. L’association avec Jeremy-Loup Quer s’annonce en tout cas prometteuse.

En bonus, nous avons droit à l’intégralité du pas de deux du 2ème mouvement, sans corrections cette fois, par les deux étoiles. On est ici en terrain connu avec Benjamin Millepied et c’est toujours très plaisant à voir, même si les 1er et 3ème mouvements semblent apporter une nouvelle dynamique par rapport à ce qu’il a déjà proposé à Paris.

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