Pour sa première incursion dans la fiction cinématographique, c’est avec sa compagne Valérie Müller, réalisatrice notamment d’un biopic sur Simone Veil, qu’Angelin Preljocaj, le chorégraphe du Parc, a choisi d’adapter Polina, un roman graphique de Bastien Vivès qui s’inspire de la vie de la danseuse russe Polina Semionova.
N’ayant pas lu la bande dessinée, je ne suis pas en mesure de juger de la fidélité du travail de Valérie Müller et Angelin Preljocaj à leur matériau d’origine. Ce récit d’apprentissage d’une danseuse qui cherche sa voie artistique s’apparente à une sorte de journal intime, filmé avec une approche oscillant entre documentaire et poésie, et ne cède ni aux outrances d’un Black Swan ou de la récente mini-série Flesh and Blood dans lesquels les scénaristes semblaient avoir plaqué tous leurs fantasmes les plus glauques sur la ballerine, ni au sentimentalisme des Center Stage et autres Save the Last Dance.
Le film est découpé en un prologue qui retrace les jeunes années de Polina et 4 épisodes, à la manière d’un ballet, la fin de l’adolescence et l’Ecole de Danse du Bolchoï, la découverte de la danse contemporaine à Aix-en-Provence, l’errance à Anvers et la découverte de sa voie avec l’inévitable pas de deux final. Le prologue est peut-être la partie la plus réussie du film à la fois sur le plan cinématographique et sur le plan dramatique : l’interprète de la jeune Polina, Veronika Zhovnytska, est très attachante et dans son regard obstiné, elle fait passer énormément de sentiments. Quelques très belles scènes restent en mémoire : la petite fille qui improvise une chorégraphie sur le chemin enneigé de l’académie de danse, réminiscence de Billy Elliot, la scène de chasse avec son père ou lorsqu’elle ose défier son maître, formidable Aleksei Guskov, en lui demandant pourquoi il ne la regarde jamais. J’ai été moins touchée par l’interprète principale de Polina, Anastasia Shevtsova, danseuse du Mariinsky sortie de l’Académie Vaganova dans la vraie vie, dont le visage et le regard sont assez peu expressifs et qui ne parvient vraiment à véhiculer la passion qui l’anime pour son art que face à Jérémie Bélingard, toujours aussi séduisant, très naturel dans le jeu et électrisant dans le pas de deux chorégraphié par Angelin Preljocaj. Juliette Binoche, qui ne participe plus guère qu’à des projets qui lui tiennent à cœur, apporte son coup de pouce en film en incarnant la directrice de la compagnie d’Aix-en-Provence, cool et bienveillante, double fiction d’Angelin Preljocaj, bien loin du maître de ballet manipulateur de Vincent Cassel dans Black Swan, tandis que Niels Schneider, repéré dans Gemma Bovery, se sort avec les honneurs du rôle cliché du danseur très mignon mais volage, premier amour de Polina.
Polina, danser sa vie a la grande qualité d’être fait par et avec des artistes qui connaissent et aiment la danse, avec beaucoup de séquences dansées et le souci de l’authenticité. Il mérite de trouver une bonne place dans la vidéothèque des amateurs de danse.
P.S. : Au rayon des curiosités, on notera la présence de Pablo Legasa au générique, parmi les danseurs de la compagnie aixoise (?).