Dans le rétro: Stéphane Bullion

En bref

Stéphane Bullion fera ses adieux à la scène le 4 juin à l’issue de la représentation de la soirée dédiée au chorégraphe Mats Ek où il reprendra en compagnie de Ludmila Pagliero le duo Another Place, créé en 2019 par le maître suédois pour Aurélie Dupont et lui. Entre l’été 2019 et l’été 2022, avec les grèves à l’Opéra puis la pandémie, le temps s’est un peu arrêté. On ne peut s’empêcher de ressentir un gros sentiment de frustration de ne pas avoir pu voir le danseur dans tous les rôles qu’il auraient pu reprendre ou aborder durant ces 2 saisons blanches, alors que sa carrière prenait un nouveau souffle après le trou noir des années Millepied. Il n’y aura pas de Mayerling, il faudra faire son deuil de revoir Stéphane Bullion dans le Parc, en Solor dans la Bayadère ou en Quasimodo dans Notre Dame de Paris.

Stéphane Bullion excelle dans des rôles qui sollicitent au moins autant le théâtre que la danse et lorsqu’il explore des personnages tourmentés. Chez Roland Petit, il est marquant dans le Jeune Homme et la Mort (maintes fois dansé avec Eleonara Abbagnato), dans le Loup, en Morel dans Proust ou les Intermittences du Cœurs et peut-être moins convaincant en Don José dans Carmen. Sa prise du rôle de Quasimodo dans Notre Dame de Paris réussit à faire oublier les défauts du ballet.

Il est passionnant dans le registre du ballet-roman néo-classique. La série d’Onéguine de 2018 avec Laura Hecquet reste pour moi un souvenir unique de spectacle. Il est un Armand exceptionnel dans la Dame aux Camélias de John Neumeier aux côtés d’Agnès Letestu, sa partenaire de prédilection. C’est étonnant d’apprendre que ce partenariat est né en 2008 du hasard de la blessure d’Hervé Moreau et de la nécessité de trouver un remplaçant pour la captation qui devait avoir lieu quelques jours après. Ce défi réussi a sans nul doute largement contribué à l’accession du danseur au rang d’étoile en juin 2010 à l’issue d’une représentation de la Bayadère.

C’est dans cette même Bayadère qu’il a eu l’honneur en 2012 d’être le partenaire de Svetlana Zakharova, étoile du Bolchoï. Il est en effet le partenaire le plus accompli à l’Opéra, capable de danser dans une même série avec 3 partenaires différentes, transformant chaque porté en un moment de grâce et de poésie et s’effaçant souvent avec humilité derrière la ballerine.

C’est un pilier du répertoire contemporain à l’Opéra, mais pas du contemporain « mode » vite consommé, vite oublié. Angelin Preljocaj avec notamment Le Parc, Pina Bausch avec Orphée et Eurydice, Kylián avec Doux Mensonges ou encore Mats Ek avec la création de la Maison de Bernarda, voici une beau tableau de chasse.

Avec des moyens techniques différents (peut-être un charisme individuel moindre, mais des qualités de partenariat superlative), il a réussi à inscrire sa carrière du point de vue de son éclectisme et de sa constance dans le temps dans les pas de celle de Nicolas le Riche, un modèle pour les danseurs de sa génération.

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Fiche Identité

Danseur Etoile depuis 2010

Ses rôles marquants

  • Onéguine – Onéguine (Cranko)
  • Armand – La Dame aux Camélias (Neumeier)
  • Solor – La Bayadère (Noureev)
  • Morel – Proust ou les Intermittences du Coeur (Petit)
  • Quasimodo – Notre Dame de Paris (Petit)
  • Orphée – Orphée et Eurydice (Bausch)
  • Lui – Another Place (Ek)

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