Après le Brahms-Schönberg Quartet et Duo Concertant entrés au répertoire la saison dernière, une nouvelle pièce de George Balanchine vient enrichir le répertoire de l’Opéra de Paris, le Songe d’une Nuit d’Eté créé en 1962 pour le New York City Ballet. Décidément, Benjamin Millepied aura grandement contribué à raviver la culture du spectateur parisien en matière de grand répertoire chorégraphique américain. Après la veine du divertissement impérial et la veine du minimalisme, représentées par les deux premières œuvres citées, avec le Songe, nous découvrons un vrai « full length » ballet. Cette fantaisie féérique s’appuie dans sa première partie d’1h10 sur la trame narrative de la pièce éponyme de Shakespeare et laisse la place dans la seconde partie de 35 minutes à un divertissement à la Balanchine classique, le tout sur la célébrissime musique de Felix Mendelssohn complétée par d’autres œuvres du compositeur.

Le Songe d'une Nuit d'Eté - Saluts du 15 mars

Le Songe d’une Nuit d’Eté – Saluts du 15 mars

La production est opulente, avec Christian Lacroix aux manettes pour les costumes et les décors (avec l’appui de Camille Degas), apparemment dans la lignée de la production originale, et au vu de la débauche de moyens, il y a fort à parier que le ballet reviendra dans les saisons à venir. Pour l’univers de la forêt mystérieuse, on trouvera des similitudes avec la Source (sur lequel Christian Lacroix a travaillé aux costumes)  et ses personnages surnaturels ou encore le Piège de Lumière de John Taras.

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Si vous n’avez jamais lu la pièce de Shakespeare, une lecture du résumé Wikipédia s’impose pour suivre les tribulations amoureuses des nombreux personnages et l’intrigue du premier acte.

Il y a de l’eau dans le gaz entre la reine et le roi des fées, Titania et Obéron. L’objet du litige, un petit page qu’Obéron aimerait bien subtiliser à sa femme pour le mettre à son service. Avec son bouffon, l’elfe Puck, il combine un stratagème pour arriver à ses fins. L’elfe est chargé de verser sur les paupières de Titania endormie le suc d’une fleur très rare qui la rendra amoureuse de la première créature qu’elle apercevra, en l’occurrence, dans le plan imaginé, Obéron auquel elle ne pourra plus rien refuser. Rien ne se passera tout à fait comme prévu, avec l’irruption dans la forêt de quatre jeunes gens en pleine imbroglio amoureux (les amoureux Hermia et Lysandre, l’amoureux éconduit et fiancé officiel d’Hermia, Démétrius, et Héléna qui aime Démétrius sans retour) et d’une troupe de comédiens amateurs. Les facéties de Puck, la fleur magique et le hasard perturberont l’ordonnancement des amours des protagonistes : Lysandre tombera amoureux d’Héléna, puis Démétrius également, laissant la pauvre Hermia en plein désarroi, tandis que Titania s’entichera d’un des comédiens, Bottom, affublé d’une tête d’âne par Puck. Finalement tout rentrera dans l’ordre, et le noble Thésée et sa fiancée, la chasseresse Hippolyte, pourront inviter Hermia et Lysandre, Héléna et Démétrius à célébrer leur mariage en même temps que le leur, tandis que dans la forêt, Titania et Obéron sont réconciliés.

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Quadrilatère amoureux avec Mélanie Hurel et Fabien Revillion, Marie Solène Boulet et Axel Ibot

Une fois, ces bases posées, l’histoire se suit plutôt bien, et l’on se prend à rire souvent. Il y a une certaine magie qui se dégage du spectacle dans son ensemble, et les danseurs semblent prendre beaucoup de plaisir sur scène. L’absence des stars de la compagnie, en tournée au Japon, donne même un petit air de vacances avec une distribution composée de jeunes talents encadrés par des danseurs expérimentés, qui, pour certains, ne sont peut-être pas assez distribués.

Représentation du 12 mars

Hannah O'Neill et Fabien Revillion

Hannah O’Neill et Fabien Revillion

Pour la matinée du 12 septembre, ce sont Hannah O’Neill et Fabien Révillion qui menaient le bal en Titania et Obéron. Fabien Révillion m’a impressionnée par la qualité technique de sa danse et la noblesse de son maintien dans un rôle qui exige une grande virtuosité. La première danseuse est quant à elle une vision de perfection, particulièrement mise en valeur par le costume rose poudré : elle se voit offrir un très beau pas de deux avec Karl Paquette. Au passage, on notera que la seule étoile de la représentation est distribuée dans un rôle de faire-valoir de luxe, le cavalier de Titania, et ne réapparaît même pas aux saluts. Hannah O’Neill est également charmante dans les scènes où elle est amourachée de l’âne Bottom, Takeru Coste idéalement servi par ce rôle de caractère qui exige aussi quelques qualités de partenariat. Le rôle de Puck va comme un gant à l’aérien Antoine Kirscher. Du côté des mortels, Sae Eun Park sort de sa réserve et montre sa vis comica, on a plaisir à voir Simon Valastro dans un rôle un peu plus conséquent et à retrouver Muriel Zusperreguy et Vincent Chaillet, un peu perdus de vue ces derniers temps, dans un registre plus classique. Si Audric Bezard n’a pas grand-chose à danser en Thésée, Ida Viikinkoski, qui remplaçait Alice Renavand en dernière minute, est époustouflante en amazone bondissante. Au deuxième acte, c’est au tour de Florian Magnenet, distribué comme une quasi étoile à la fin de l’ère Lefèvre, de retrouver le devant de la scène en faisant briller Marion Barbeau, frémissante de sensualité, pour un pas de deux dont Balanchine a le secret.

Représentation du 15 mars

Sae Eun Park et Karl Paquette

Sae Eun Park et Karl Paquette

La soirée du 15 mars est dominée pour moi par le 2ème acte, et le divertissement où Sae Eun Park est merveilleuse. Je la trouvais souvent virtuose, mais manquant un peu de charisme sur scène. Elle est ici magnifiquement mise en valeur par Karl Paquette, qui a décidément l’art de mettre sur orbite ses partenaires. Le premier acte m’a semblé un peu plus long, porté principalement par le Puck d’Hugo Vigliotti, vibrionnant, mais avec un quatuor d’amoureux plus faible sur le plan du jeu (Mélanie Hurel et Fabien Révillion, Marie-Solène Boulet et Axel Ibot). Le duo Titania / Obéron m’a également semblé un peu en retrait.

Marion Barbeau et Paul Marque

Marion Barbeau et Paul Marque

Si la danse de Paul Marque est moelleuse à souhait, il manque au sujet encore l’autorité scénique qui permet de commander le plateau dans le rôle d’Obéron. Obéron, rôle d’étoile, confié à des sujets, alors que le rôle du cavalier de Titania, décidément pas palpitant, échoit à des étoiles et premiers danseurs, ce n’est quand même pas très logique. Stéphane Bullion n’a pas l’air d’être emballé de jouer les utilités, même si j’apprécie toujours autant son association avec Marion Barbeau. La jeune danseuse est une Titania plus mutine, moins altière que celle d’Hannah O’Neill, qui est déjà un peu étoile, en tout cas dans ce répertoire.

Je suis très curieuse de voir ce que le ballet donnera avec la distribution multi-étoilée et très expérimentée qui sera filmée le 23 mars. Prendra-t-il une dimension autre que celle d’un joli divertissement pour célébrer le début des beaux jours ?

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