Un conte millénaire, une partition de Maki Ishii mêlant percussions classiques et musiques traditionnelles du Japon, une chorégraphie du Tchèque Jiri Kylian avec des danseurs de formation classique, une scénographie à la fois épurée et grandiose, le tout dans l’écrin de l’Opéra Garnier : plus qu’un ballet, Kaguyahime est un spectacle total et envoûtant, rencontre entre les cultures occidentale et japonaise, le passé et le présent.

L’histoire est d’une grande simplicité. Une princesse venue de la Lune est recueillie par des villageois, sa beauté attire des prétendants qu’elle va décourager un à un en leur donnant des défis irréalisables. Des citadins, ayant eu vent de sa renommée, vont perturber la quiétude du village: un conflit éclate. Le Mikado (empereur) survient pour connaître l’origine des troubles et tombe amoureux fou de la princesse: il lui propose de partager sa vie et ses trésors, mais la princesse ne peut céder à un attachement terrestre et regagne la Lune.

Pour cette matinée du 3 février, c’est Alice Renavand qui incarne la princesse lunaire, Hervé Moreau est le Mikado hiératique, un rôle avec très peu de danse. Dans ce ballet, c’est surtout les ensembles et leur énergie collective qui sont mis en valeur: on y retrouve notamment Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Valentine Colasante, Amandine Albisson, Adrien Couvez, Yvon Demol, Daniel Stokes, Allister Madin, Caroline Bance.

L’Opéra Garnier en configuration Kaguyahime

Pour l’occasion, la salle de Garnier apparaît transformée. Un rideau noir avec une pleine lune en son milieu cache la scène. Sur une estrade en bois au milieu de la fosse d’orchestre, un ensemble gagaku (musique de cour japonaise) en costume de cérémonie joue les arbitres entre l’ensemble de percussions classiques en noir et l’ensemble kodo (tambours traditionnels) en blanc, ce qui préfigure les confrontations citadins-villageois qui vont se jouer au nom de la princesse.

L’ensemble Gagaku

L’acte I démarre dans la forêt de bambous où travaillent les villageois. Ils vont être témoins de l’apparition de la princesse de la lune : c’est le solo d’entrée d’Alice Renavand, scintillante dans son body blanc,  exécuté sur une plate-forme à 4 mètres du sol. Chaque prétendant (Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Adrien Couvez, Yvon Demol, Aurélien Houette) a ensuite son solo, une sorte de danse de séduction, l’un d’entre eux va jusqu’à esquisser un curieux pas de deux avec la princesse, mais il est repoussé comme les autres.

Suivent les passages les plus intéressants du ballet en terme de danse pure avec  la célébration de la princesse, élevée au rang de quasi-divinité, par les villageois, puis l’arrivée des citadins et le début des conflits dans un grand orage de percussions. On apprécie l’énergie de la danse dans cette succession de duos et de trios, sur un rythme qui va crescendo.On se croirait presque dans un film d’arts martiaux.  Alessio Carbone sort vraiment de l’ensemble par sa danse à la fois rapide, fluide et précise.

La guerre

L’entracte est bienvenu pour reposer ses tympans, aller observer de plus près la fosse d’orchestre et ses curieux instruments et admirer les très belles photos du programme signées Anne Deniau.

L’acte II reprend sur la guerre entre villageois et citadins, les percussions et les tambours kodo ont investi la scène, en arrière plan apparaissent des chevaux fantasmagoriques. Dans des pas de deux ultra-rapides, danseuses en noir et danseurs en blanc s’affrontent. C’est le chaos. Fondu au noir.

On retrouve la princesse en train de se réveiller du long cauchemar dont elle est la cause involontaire. Un immense rideau doré envahit la scène, duquel émerge l’empereur sur son trône. Deux des gardes de l’empereur lui présentent la princesse. L’empereur subjugué espère la séduire en la couvrant d’or. Pas de trois, puis de quatre enfin pas de deux au son entêtant de la musique de cour. La princesse semble être touchée par l’empereur. C’est un moment visuellement très réussi, magnifié par la beauté des deux danseurs et la lenteur des mouvements.

La princesse et le Mikado

L’arrivée de l’armée de l’empereur accompagné du vacarme menaçant des percussions préfigure des heures sombres à venir : la princesse de la lune décide de quitter la terre, l’empereur accablé de douleur quitte la scène par la fosse d’orchestre, solo final de la princesse.

Alice Renavand, Hervé Moreau, Amandine Albisson

Saluts pour l’ensemble Gagaku

Les villageois et les citadins

Yvon Demol, Alessio Carbone, Adrien Couvez

Pas spécialement amatrice de danse contemporaine, j’avoue que ce spectacle a levé certains de mes préjugés en m’embarquant pendant une heure dans un voyage au travers du temps et des civilisations grâce à la puissance conjuguée de la scénographie, de la musique et de la danse.

A noter : le programme du spectacle, outre les photos d’Anne Deniau, est particulièrement instructif, notamment pour mieux appréhender la source littéraire du ballet et sa partition.

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