C’est au Théâtre National de la Danse au Palais de Chaillot que j’ai renoué avec ma vie de spectatrice d’avant (sans masque, ni pass), de façon pérenne, je l’espère. Au programme, une soirée confiée à la compagnie Acosta Danza créée en 2016 par le Cubain Carlos Acosta. Le danseur étoile retraité du Royal Ballet est une véritable star de la danse, dont le destin depuis les quartiers populaires de la Havane jusqu’à la célébrité internationale a été gravé sur la pellicule dans un très joli film Yuli sorti en 2019. Le film nous faisait d’ailleurs découvrir le travail prometteur du danseur avec sa jeune compagnie.

Liberto : Répétitions / Photo Pepe Gavilondo

Dans l’esprit, Acosta Danza me fait beaucoup penser à la Compagnie Alvin Ailey. Comme la compagnie américaine, les Cubains proposent une danse contemporaine athlétique et spectaculaire, métissant modern dance, influences classiques, danses tribales, danses populaires (jazz, soul pour Alvin Ailey, influences latino pour Acosta Danza) voire hip-hop.

La première pièce de la soirée, Liberto, est un pas de deux chorégraphié par un des danseurs de la compagnie, Raúl Reinoso. Il s’inspire d’œuvres des débuts de la révolution cubaine, étudiant le passé esclavagiste de l’île, la biographie d’un esclave fugitif, retranscrite par l’ethnologue Miguel Bernet, et des travaux sur les religions d’origine africaine et la culture populaire à Cuba de Lydia Cabrera . Dans une scénographie minimaliste évoquant les affres de la captivité et la forêt, refuge et lieu de tous les mystères, Mario Sergio Elías incarne l’esclave fugitif qui croise sur sa route la sculpturale Zeleidy Crespo, compagne d’infortune un temps, guide ou déesse du culte Yoruba. L’atmosphère de l’ensemble et la chorégraphie puissante embarquent le spectateur.

Autre chorégraphie made in Cuba, avec Hybrid d’un pilier de la danse contemporaine cubaine, Norge Cedeño. Cette chorégraphie d’ensemble m’a laissé une impression plus mitigée. Si le mythe de Sisyphe est l’inspiration revendiquée, on a plus l’impression de se retrouver dans les années 90 avec une esthétique et une chorégraphie qui n’auraient pas déparé dans un clip de Michael Jackson.

Paysage, soudain, la nuit / Photo KIKE

La deuxième partie redresse la barre, avec Paysage, Soudain, la nuit, un petit bijou commandé au chorégraphe suédois Pontus Lidberg. Il y a un côté Dances at a Gathering dans cette déambulation d’un groupe de jeunes gens dans une vallée herbeuse du crépuscule au petit matin, rythmé par une composition matinée de rumba du maître cubain, Leo Brouwer. Le coup de cœur de la soirée.

Le solo de 7 minutes qui suit, chorégraphié par l’Espagnole Maria Rovira, remet en lumière Zeleidy Crespo qui a tout l’air d’être la star de la compagnie. L’hyperlaxité de la danseuse, alliée à sa grande taille, est assez impressionnante à admirer.

De punta a cabo / Photo YURIS NOURIDO

Pour conclure la soirée, De Punta a Cabo est le pendant urbain de Paysage, Soudain, la nuit. Même unité de temps, une fin d’après-midi jusqu’au petit matin, mais cette fois la compagnie se balade sur la promenade du front de mer de la Havane. Alexis Fernández mélange les styles, la danse urbaine rencontre la danse latine et la danse classique. Les danseurs jouent avec leurs doubles, filmés à la Havane, projetés sur le fond de scène. Il y a comme un petit vent de farniente et de vacances qui souffle sur la salle, on rejoindrait bien les danseurs sur scène pour plonger dans l’océan.

De punta a cabo
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